Récit complet de ma Maxi-Race 2023 de 88 km à Annecy
J’avais fait de cette Maxi-Race d’Annecy mon objectif 2023. Avec un parcours de 88 km et 5000 m de dénivelé, ce tour du lac d’Annecy par les sentiers s’est montré varié, spectaculaire et exigeant avec la chaleur comme invitée de dernière minute. De la préparation à ma course en passant par ma stratégie nutrition (qui ne s’est pas passée comme prévu), découvre le récit complet de cette Maxi-Race 2023 !
15h28
temps de course
486
classement
1442
nombre de partants
Ce long récit de course t’aidera peut-être dans ta prépa mentale, à t’imprégner de ces beaux sentiers qui font le tour du lac.
Si tu as 30 secondes de dispo à la fin de ta lecture, n’hésite pas à laisser un petit commentaire en fin d’article.
C’est toujours un plaisir de partager et d’échanger ensemble et en plus, cela aide beaucoup à son référencement !
I- Ma préparation physique à la Maxi-Race d’Annecy 2023
Blessé en septembre 2022 lors du 110 km du Nice Côte d’Azur by UTMB, j’attendais cette Maxi-Race 88 km avec l’impatience d’un enfant se réveillant le matin de noël. Ce format « trail long », entre 10 et 15 h d’effort me plait beaucoup et m’avait plutôt bien réussi jusqu’à présent avec de superbes aventures vécues sur le 62 km de l’Echappée Belle en 2021 [Mon récit ici] et l’Ultra Tour de la Motte Chalancon 2022 [Mon récit ici].
C’est pourtant blessé et un peu à court de forme que je prenais la décision de m’inscrire à la Maxi-Race en novembre 2022. J’avais besoin d’un objectif à poursuivre, d’une course à laquelle me raccrocher pour garder la motivation au quotidien de soigner ma blessure. La Maxi-Race est dans 6 mois : « ça va le faire ! ».
L’hiver 2022 fut donc studieux. Séances de kiné, renforcement musculaire, étirements… j’appliquais à la lettre le protocole que le médecin du sport m’avait indiqué pour guérir le plus rapidement et durablement possible de la tendinite du biceps fémoral (ischio-jambier) qui s’était installée en moi depuis septembre 2022 et ma participation au 110 km du Nice by UTMB. Celle-ci était devenue chronique au point d’entrainer des douleurs dans tout le péroné. Je rongeais donc mon frein en rêvant au lac d’Annecy et à cette date butoir du 27 mai 2023. Tic- tac, tic- tac, le compte à rebours était lancé.
A) Du travail de vitesse durant l’hiver et une participation au Trail des fous romains à Vaison-la-Romaine
Ma préparation à la Maxi-Race a donc débuté en janvier 2023 par une reprise progressive des entrainements à pied avec en ligne de mire une participation au trail des fous romains de 25 km et 1100 d+ le 19 février 2023. Devant être encore prudent sur les sorties longues, j’avais mis à profit le mois de janvier et février pour travailler ma vitesse. N’étant pas un coureur rapide et ne réalisant que rarement de travail d’intensité à l’entrainement, j’étais surpris de voir à quel point j’avais pris du plaisir en redécouvrant ce type d’effort.
Ma participation au Trail des fous romains du côté de Vaison-la-Romaine, à quelques dizaines de minutes de la maison, symbolisait mon premier dossard de l’année. Une course « plaisir », au cours de laquelle les sensations n’avaient pas été mauvaises mais qui avait été marquée par le retour de cette douleur au péroné. D’une intensité moindre que les derniers mois, celle-ci me ramenait néanmoins à la prudence. Oui, j’étais sur la bonne voie mais non, je n’étais pas guéri.
La douleur étant encore plus présente à vélo, je n’avais, à mon grand regret et pour la première fois lors d’une préparation à un trail long, pas pu « croiser » mes entrainements avec ce sport que j’adore.
B) Travailler le dénivelé et réaliser un week-end choc à S-4
Après une augmentation minutieuse du volume de mes sorties longues, j’entrevoyais petit à petit le bout du tunnel. Les kilomètres et surtout le dénivelé positif s’enchainaient enfin. Pour me préparer au mieux au 88 km et 5000 d+ de la Maxi-Race, je m’étais appuyé sur ce qui avait fonctionné lors de ma préparation à l’UTMC 2022, à savoir des séances spécifiques de casse de fibres en descente. Encaisser 5000 m de dénivelé positif ne me faisait pas peur… on finit toujours par mettre un pied devant l’autre en montée. Mais en descente ce n’est pas la même. La course peut vite devenir un enfer si nos quadriceps ne sont pas prêts à encaisser le dénivelé négatif.
J’avais donc intégré dans ma préparation quelques séances spécifiques de « navettes » dans plusieurs types de pente et plusieurs types de terrain. En habitant dans le Haut-Vaucluse, j’ai de la chance de disposer de très beaux terrains de jeu pour travailler ces qualités.
Le point d’orgue de ma préparation est arrivé à S-4 avec la réalisation d’un week-end choc, réparti sur 2 jours et composé de la manière suivante :
- Jour 1 – Dimanche 30 avril 2023 : Participation au Trail de Dieulefit 40 km et 2200 d+
- Jour 2 – Lundi 1er mai 2023 : Sortie longue trail avec pour objectif 3000 d+
Ces deux jours devaient m’amener à prendre une décision sur ma participation à la Maxi-Race : si la douleur se réveillait et empirait à l’effort, je n’irai pas à Annecy fin mai. Sinon, feu vert !
Le Jour 1 était particulier puisque je savais ce qui m’attendait le lendemain. Pas facile de mettre un dossard en mode « retenue » en se disant que l’objectif est simplement de faire du volume. C’est la première fois que je m’aligne sur une ligne de départ avec cette philosophie. Je n’ai clairement pas le niveau pour jouer à l’avant mais c’est toujours perturbant de voir les autres coureurs donner le meilleur d’eux-mêmes quand toi tu dois en garder sous la pédale pour le lendemain. Peut-être que cette situation t’es déjà arrivée ?
4 h 57 plus tard, je bouclais ces 40 km et 2200 d+ du Trail de Dieulefit à la 25ème place/72. Ce parcours technique et très cassant par moment m’avait tout de même bien entamé. Niveau blessure : tout était ok si ce n’était une petite gêne qui se réveillait par moment. J’étais donc satisfait mais prudent.
Réveil matinal pour le Jour 2. Direction mon massif préféré à 10 min de la maison : la montagne de la Lance (Drôme). L’objectif, en plus de cumuler 3000 d+ était de passer en revue l’ensemble du ravito prévu pour les 88 km de la Maxi-Race et notamment la poudre Maurteen. Côté solide, je partais avec des barres, compotes et purées Baouw que j’adore et qui m’accompagnent depuis maintenant 1 an sur toutes mes courses.
5 h 47, 33 km et 3100 d+ plus tard, je rentrais à la voiture fatigué mais heureux : la gêne de la veille avait totalement disparu. La première heure de cette sortie longue avait été très poussive au niveau des sensations mais je m’étais surpris à me sentir plutôt bien en courant. Le fait d’avoir la capacité d’en faire plus à la fin de ces deux jours m’avait apporté de la confiance. A 1 mois de la Maxi-Race, le plus gros de ma préparation était terminé, ma blessure semblait être un vieux souvenir et il me tardait maintenant d’en découdre !
Le dernier mois avant la course m’a permis dans un premier temps de bien couper et de me reposer avec des vacances de 10 jours en Andalousie. Ces jours « off » ont été bénéfiques et m’ont aidé à récupérer du week-end choc et à l’assimiler. Même si, forcément, en vacances, l’hygiène de vie n’a pas été exemplaire… J’aime cette idée de profiter à fond du moment présent. Après tout, ce n’est pas quelques tapas et quelques bières qui vont mettre en péril ma Maxi-Race. Au compteur de ces vacances en Espagne : une rando dans la Sierra Nevada et deux footing d’une heure.
A 20 jours de la course, je rentrais donc en France, reposé et frais physiquement. Les sensations étaient d’ailleurs excellentes lors de ma dernière sortie longue de 3 h et 1400 d+ à S-2. J’avais l’impression que tout était facile, en montée, en descente, le plaisir était maximal. Il fallait encore attendre 2 semaines avant de prendre le départ de ce tour du lac d’Annecy par les sentiers… le temps allait être long !
II- Logistique, plan alimentaire et parcours de la Maxi Race d’Annecy 2023
A) Particularités du parcours de la Maxi-Race 88 km
Le parcours de la Maxi-Race, hormis changement de dernière minute dû à une mauvaise météo, est toujours le même d’année en année. L’incertitude en 2023 résidait dans l’état des sentiers qui étaient encore extrêmement boueux 10 jours avant le départ. Des pluies régulières avaient en effet marqué la Haute-Savoie en mai. Chance pour nous, la météo s’annonçait radieuse et le soleil allait être au rendez-vous !
Le départ est programmé par vague successive à partir de 2 h 45 du matin. Cette heure de départ est difficile à appréhender puisqu’inhabituelle pour l’organisme. La nuit sera très courte et le réveil aux alentours d’1h30 – 2h du matin rend compliqué la prise alimentaire avant le départ.
Côté parcours, ces 88 km et 5000 d+ pourraient être scindés en deux sections :
- La première du départ à Doussard : 48 km et 2500 d+ sur des sentiers variés avec deux ascensions principales que sont le Semnoz et le col de la Cochette. Cette première partie est courue en grande partie à la fraiche, de nuit et le matin.
- La seconde de Doussard à l’arrivée : 40 km et 2500 d+ montagneux, rugueux et exposés à la chaleur. Cette seconde partie est la plus exigeante mais aussi la plus belle avec des sentiers plus alpins et plus spectaculaires avec notamment le passage par le Roc Lancrenaz.
Clairement, la course commence vraiment à Doussard. Il s’agira donc d’arriver au 48ème km en bon état en ayant pris soin de ne pas avoir trop puisé dans les réserves. La chaleur étant annoncée pour ce samedi 27 mai 2023, ce paramètre allait être déterminant dans la gestion de course.
B) Peu de zones d’assistance autorisées
L’une des particularités de ces 88 km est également le faible nombre de zones d’assistance autorisées tout au long de la course. Seulement deux au total ! La première est au sommet du Semnoz au km 17 et la seconde est à Doussard au km 48. Ce faible nombre prévu par l’organisation s’explique certainement par les accès en montagne et la volonté de ne pas amener trop de voitures sur certains secteurs. Au vu de mon chrono à l’UTMC 2022 et de ma forme du moment, j’avais estimé mon temps de course total entre 14 h et 15 h d’effort. Il fallait donc que je prévois méticuleusement mes ravitos pour ne pas avoir à manquer, notamment sur la deuxième moitié du parcours. Prendre beaucoup sans en prendre trop pour ne pas se surcharger. Un équilibre pas si facile à trouver. D’un naturel prévoyant, je sais par expérience que je prévois souvent trop à manger dans mon sac.
Le fait de pouvoir retrouver mon assistance en la personne de ma chérie régulièrement me permet habituellement de me délester en termes de poids et de ne pas avoir à trop porter sur moi. Cette semi-autonomie est donc un paramètre de plus à prendre en compte sur cette Maxi-Race.
Après étude du tracé, ma chérie pourra tout de même me voir passer à certains points du parcours. Cela m’apportera un vrai soutien psychologique, j’en suis certain. Partager la course avec elle et la savoir présente tout au long m’apporte toujours une motivation supplémentaire lorsque le mental commence à faiblir.
Particularités à retenir de la Maxi-Race 2023 :
- Seconde partie du parcours plus exigeante : ok ! (Note à moi-même : gérer, gérer et encore gérer mon effort)
- Forte chaleur attendue : ok ! (Bien prendre 1,5 litres sur moi à partir de la mi-course)
- Semi-autonomie : ok ! (Plan alimentaire précis à définir pour ne pas se surcharger inutilement)
C) Ma stratégie nutritionnelle pour la Maxi Race
J’avais décidé pour cette Maxi-Race 2023 d’appliquer la même stratégie que pour l’UTMC 2022 en la peaufinant sur certains points. J’avais prévu de consommer 40 g de glucides et environ 500 ml de boisson isotonique et eau par heure d’effort.
J’avais établi un plan méticuleux pour garder le cap et ne pas improviser lors de la course. 90 % de mes apports solides durant la première moitié de course étaient composés de barres salées et de purées Baouw. A mi-course je prévoyais ensuite de basculer sur des barres Baouw plus sucrées et des compotes. L’objectif était de consommer uniquement du salé jusqu’à Doussard et ensuite d’intégrer du sucré avec des index glycémiques plus élevés. J’allais aussi consommer les barres uniquement dans les montées et les purées dans les descentes dans le but de faciliter la mastication et l’absorption de ces aliments.
Côté hydratation, j’optais pour les sachets Maurteen 160 contenant 40 g de glucides (validés lors de mon week-end choc) en alternance avec des pastilles iso Isostar que j’ai l’habitude de consommer depuis maintenant 5 ans. Et de l’eau aussi, évidemment. Sur le papier, cette stratégie me semblait cohérente et devait m’amener au bout de ces 88 km et 5000 +. Sur la ligne de départ j’étais en tout cas confiant concernant mon plan alimentaire et était bien loin de m’imaginer que ça n’allait finalement pas se passer comme prévu… et que ma stratégie allait vite être dépassée…
III- Le récit de ma Maxi-Race 2023, 88 km et 5000 d+ autour du lac d’Annecy
La nuit fut courte, très courte, trop courte avant de prendre le départ de cette Maxi-Race. Nous étions sur place la veille avec ma chérie afin de retirer mon dossard. Nous avions opté pour le Van afin d’être proche de la ligne de départ et d’éviter tout stress de dernière minute. Quand le réveil a sonné à 1 h 45 du matin, je ne savais plus où j’habitais. Le sommeil a été dur à trouver hier soir, entre l’excitation de la course et le stress de m’oublier, c’est avec à peine 3 h de repos que je me dirigeais vers la ligne de départ.
Manger, pas manger, manger, pas manger ? Quoi faire avant un départ à cette heure-ci ? J’avais décidé de ne pas manger et de compter uniquement sur la salade de riz de la veille. Dans tous les cas j’allais prendre ma première barre à partir de 30 min de course, donc je ne m’inquiétais pas. 2 h 30, un dernier échange avec ma chérie et j’entre dans le SAS 2, le SAS qui partira 10 min après la première vague contenant les élites. Les vagues de participants s’élancent toutes les 10 min à partir de 2 h 45 et ce jusqu’à 3 h 30. Le but étant de regrouper les coureurs par niveau afin d’éviter les bouchons aux abords des premiers sentiers.
Cette nuit du 27 mai 2023 est extrêmement douce. Et, malgré les centaines de coureurs autour de moi, je ressens une atmosphère paisible. Les speakers crient dans leurs micros et nous arranguent. 2 h 45 pétante la première vague part. Encore quelques minutes et ce sera notre tour.
Je repense à ma préparation, à mes entrainements. Le chemin fut semé d’embuches mais j’ai le sentiment d’avoir fait ce qu’il fallait. Je ressens de nouveau cette gêne au niveau du péroné depuis 2 semaines. Est-ce psychologique ? Je me rappelle alors mon week-end choc où ma blessure ne m’avait pas embêté. Il n’y a pas de raison… ça va le faire. Mon cerveau tourne alors à plein régime. Le mental prend le pas sur le physique. Je me trouve toujours aussi bête de cogiter autant et d’être stressé pour une « simple » course, surtout à mon niveau. Je n’ai rien à perdre, rien à gagner à part être finisher.
2 h 54 : Le compte à rebours est lancé quand soudain, les fauves sont lâchés. Les fumigènes s’embrasent et les premières foulées résonnent sur le bitume comme des chevaux au galop. Je croise alors furtivement du regard ma chérie sur la gauche. Un dernier encouragement de sa part et je m’élance à l’assaut de la première difficulté : l’ascension du Semnoz.
A) Annecy – ravitaillement du Semnoz : 18 km, 1165 d+
3 km de plat au bord du lac sépare la ligne de départ du début des premiers sentiers menant au Semnoz. Et autant te dire, à 3 h du matin au bord du lac d’Annecy un samedi, les encouragements proviennent beaucoup de jeunes groupes bien alcoolisés ! Le contraste entre les personnes rentrant de soirée et nous est assez saisissant. Je me cale à 11,5 km/h, à un rythme tranquille qui me permet de m’échauffer avant le début de l’ascension. Le gros du peloton s’étale doucement… mais pas assez pour éviter les premiers ralentissements lorsque nous quittons la route et que nous débutons la première montée.
« Clac, clac, clac », chacun déplie ses bâtons. Un bruit particulier qui masque temporairement celui des foulées et des respirations. Les traileurs se transforment en randonneurs. Nous voilà dans le premier sentier… et dans le premier ralentissement. Il ne faut pas décider de courir la Maxi-Race pour son côté intimiste. Je ne serai quasiment jamais seul durant ces 15 h 28 d’effort. Néanmoins les différentes vagues de départ permettent d’éviter les « vrais » bouchons. Les endroits étroits provoqueront des ralentissements mais jamais je n’ai fait du surplace durant ce début de course.
30 min de course. J’applique ma stratégie nutrition à la lettre en prenant ma première barre. Et hop ! 12 grammes de glucides dans le gosier. Ce qui est pris n’est plus à prendre. Je n’ai pas faim mais je me force. L’objectif étant d’en manger une toutes les 30 min jusqu’au premier ravito. Il fait nuit noire et seules les frontales nous permettent de nous orienter. La montée jusqu’au Semnoz est complexe à appréhender : ça monte, ça relance, ça monte, ça relance… que ça durant 17 km. Il est bien difficile de trouver un rythme dans une telle ascension. Il faut perpétuellement relancer. Il faut aussi toujours regarder où l’on met les pieds… pour ne pas se tordre une cheville sur les racines omniprésentes et mal rangées.
2 h 35 et 4 barres salées plus tard, le chapiteau du Semnoz est en vue. Je regarde alors mon téléphone pour voir si ma chérie m’avait laissé un message et je découvre qu’elle m’attend 100 m avant l’entrée du chapiteau. Je ne pensais pas la revoir si tôt et suis vraiment heureux de la retrouver. On discute 2 min et je traverse le ravitaillement après avoir fait le plein d’eau. Le jour se lève et les frontales s’éteignent doucement.
B) Semnoz – Point d’eau de Saint-Eustache (km 31) : 14 km / 300 d+ / 1100 d-
Une bosse de 200 d+ se présente devant nous à la sortie du ravito pour aller jusqu’au téléphérique. Il fait alors frais mais pas froid. Le passage par le sommet du Semnoz est superbe. Le soleil perce alors au-dessus de la chaine du Mont-Blanc, spectacle incroyable. Le jour se lève et avec lui les espoirs d’être finisher de ce tour du lac d’Annecy. Je m’arrête pour immortaliser ce moment suspendu.
Un mal de ventre pointe le bout de son nez et me gâche un peu cet émerveillement. Je débute alors la longue descente de 1100 d- prudemment, comme si je marchais sur des œufs. Le début est roulant, ça « tape » et amplifie mon mal de ventre. Le fait de m’être forcé à manger dans l’ascension, même si je n’en ressentais pas l’envie ni le goût n’a pas eu l’effet escompter. J’aurai dû m’écouter d’avantage et sortir du cadre que je m’étais fixé. Ce premier symptôme va rapidement s’accompagner de nausées. En me forçant à manger j’ai bloqué ma digestion. Une barre toutes les 30 min était peut-être (assurément) trop ambitieux.
J’arrive tout de même dans cette longue descente à manger une purée de patate douce. Ce sera le dernier ravitaillement solide que j’avalerai jusqu’à Doussard, 3 h 30 plus tard. Après celle-ci plus rien ne passera pendant de trop nombreux kilomètres. J’arrive au point d’eau de Saint-Eustache et remplis mes flasks avec de l’eau pure. Même la boisson iso ne passe plus. Je fais alors le dos rond et me dis que tout rentrera dans l’ordre. Mais quand ?
C) Saint-Eustache – Col de la Cochette – Doussard : 17 km / 1000 d+ / 1100 d-
Nous nous retrouvons maintenant sur une piste forestière large et peu pentue. Je cours un peu mais le ventre est douloureux. Comme si j’avais des courbatures aux abdos. Comme si je venais de tenir un temps infini de gainage. Cette piste nous mène alors au pied du col de la Cochette où 500 d+ nous attendent. C’est très raide par endroit. Je n’ai pas de grand souvenir de l’ascension. Je me souviens surtout de la descente. Il faisait déjà très chaud et l’énergie commençait à vraiment me manquer. J’ai subi la pente comme jamais je ne l’avais subie. C’est technique et rocailleux. Des racines sont présentes partout. Il faut être très vigilant pour bien choisir ses trajectoires. Le début de la descente est très exigeant. Après 40 km nous apercevons enfin le lac ! Une petite photo et ça repart : objectif Doussard !
2 km de bitume à plat s’offre désormais à nous, en plein soleil. Je souffre toujours de maux de ventre au point de devoir parfois marcher sur cette portion plate sur route, le comble. J’ai très chaud et ma chérie me retrouve au ravito complètement rincé.
Les proches des coureurs se battent le peu d’ombre qu’il y a autour du chapiteau où l’assistance n’a pas le droit de rentrer. Je m’assois alors parterre sur le mètre carré d’ombre restant. Ça ne va pas. J’ai besoin de me poser. Je me plains auprès d’elle. Mal de ventre, chaleur, pas de jambe, plus d’énergie. Je broie du noir. Malgré tout je ne veux pas abandonner. Je commence à avoir un peu d’expérience sur ces formats et je sais que ça peut revenir. Je ne suis pas blessé et c’est le principal à retenir.
Ma chérie me donne mes barres et compotes que j’avais prévu pour la suite et une casquette pour me couvrir du soleil. Je me lève ensuite difficilement et la prends longuement dans mes bras. Je sais qu’il y a peu de chance que je la vois avant l’arrivée. Ce câlin me donne de l’énergie. Je file alors au ravito pour remplir mes flasks et trouve un saladier de pastèque fraichement coupée. Pour la première fois depuis 4 h, et assez subitement, j’ai envie de manger. Cette pastèque me fait terriblement envie. De manière impulsive j’en prends un bout, puis deux, puis trois… cette fraicheur me fait un bien fou.
Un câlin et de la pastèque, le réservoir d’essence n’est plus à sec ! Je repars en direction du col de la Forclaz motivé, déterminé, mais aussi conscient qu’il faudra avaler quelque chose de « nourrissant » rapidement pour aller au bout. La pastèque hydrate mais apporte pas loin de zéro calories…
D) Doussard (km 48) – Villard-Dessus (km 70) par le col de la Forclaz et le Roc Lancrenaz : 22 km/ 600 d+ / 1300 d-
Ascension au col de la Forclaz (5 km, 700 d+)
Je débute cette ascension au col de la Forclaz déterminé et entre dans ma bulle en me mettant un peu de musique dans les oreilles. Je fais cause commune avec un autre coureur. On monte à un bon rythme. L’ascension du col de la Forclaz n’est pas raide. Le sentier en sous-bois est très agréable, il ne fait pas trop chaud. Notre belle allure est soudainement interrompue par un ralentissement causé par un coureur en souffrance avançant à un rythme d’escargot. Je piétine. 7 coureurs suivent son rythme derrière, sans broncher. En file indienne sur ce sentier étroit, je profite alors des virages un peu plus larges pour doubler petit à petit le troupeau et retrouve, 10 bonnes minutes plus tard, mon rythme de croisière.
Ces 700 d+ sont passés comme une lettre à la Poste. J’avais retrouvé de bonnes sensations en montée. J’arrivais à bien pousser sur les bâtons. L’effet pastèque au ravito de Doussard ? Soudain, j’entends des cloches et une foule d’encouragements. L’ombre devient lumière. Col de la Forclaz me voilà !
Col de la Forclaz – Roc Lancrenaz par Montmin et le Chalet de l’Aulp (9 km / 900 d+)
Le parcours emprunte maintenant quelques centaines de mètres de bitume en descente. L’occasion pour moi de vérifier mon téléphone et de découvrir que ma chérie est montée au col de la Forclaz pour me voir passer. Pas de bol, je viens d’y passer et je ne l’ai pas vu… on s’est loupé de peu ! Elle a dû se garer pile au moment où je suis passé. A 30 secondes près je la voyais. Frustrant.
Je m’arrête 2 min à Montmin le temps de faire le plein. Je veille à bien repartir avec 1,5 litres sur moi. Il commence à faire chaud. Je mouille ma casquette et attaque le raidard qui monte derrière le hameau pour rejoindre une piste forestière. La force et l’énergie commencent à me manquer de nouveau. Je n’ai toujours rien avalé depuis mes quelques bouts de pastèque au ravito. J’arrive à maintenir un léger trot à plat mais lorsque la pente s’élève, je me retrouve scotché.
« Il faut que je mange, il faut que je mange » : je me répète cette phrase dans la tête. Transformer la parole en acte n’est pas simple à ce moment précis. La volonté ne suffit pas à contrer ce mal de ventre toujours présent. J’avance à mon rythme, un pas après l’autre. J’essaye surtout de ne pas trop m’apitoyer sur mon sort et profite pleinement du paysage. J’arrive au Chalet de l’Aulp. Le parcours bascule alors sur une légère descente avant de débuter l’ascension finale du Roc Lancrenaz.
Le Chalet des Nantets marque le début de cette « vraie » montée. J’aperçois le sommet et les lacets de coureurs. Cette montée est très raide et assez courte (2 km et 300 d+). 300 d+ … En la regardant d’en bas, j’ai l’impression qu’elle va en faire le double. Tout le monde autour de moi monte à un petit rythme. Les bâtons restent plantés de longues secondes dans le sol… signe des forts pourcentages de pente. J’aperçois alors la main courante qui longe la falaise. Je termine l’ascension avec les mains, les bâtons devenant encombrant sur ce rocher irrégulier et abrupt.
En arrivant au sommet je salue le bénévole et m’assois au côté d’autres coureurs bien fatigués aussi. Je bois deux grandes gorgées et sors une compote Baouw à la banane, j’ai le sentiment de me sentir moins nauséeux… je tente alors le coup de me réalimenter petit à petit. ça passe ! Le sentiment de dégoût semble s’éloigner et j’absorbe la moitié de la compote. Le parcours emprunte maintenant un grand alpage entouré de montagnes sublimes. Décor de rêve pour un effort de fou. KM 65… le plus dur a été fait. Je vais aller au bout c’est sûr.
Roc Lancrenaz – Villard-Dessus (6 km / 1000 d-)
Direction maintenant le ravitaillement de Villard-Dessus. Le plat de l’alpage se transforme en faux-plat descendant puis en vrai descente sans répit durant 1000 m de dénivelé négatif. Une large piste forestière caillouteuse comme décor funèbre, je ramasse les morts durant cette longue descente. Certains s’arrêtent, appuyés sur leurs bâtons, les cuisses tétanisées. D’autres descendent en marche arrière. Cette portion est extrêmement exigeante pour les cuisses et n’offre aucun répit. Je prends soin de bien m’hydrater durant celle-ci, mange une nouvelle compote et tente de « maitriser » ma descente pour ne pas me casser en deux avant la dernière difficulté. Mentalement ça va beaucoup mieux. Les compotes Baouw me font énormément de bien. J’ai toujours adoré l’heure du goûter… ce n’est peut-être pas un hasard si j’arrive de nouveau à m’alimenter !
Aucune assistance n’est possible à Villard-Dessus, ma chérie m’attend donc 3 km plus loin, au col de Bluffy. Je décide de me poser 5 min au ravito, pas plus. Je demande immédiatement à un bénévole s’ils ont de la pastèque fraiche… en vain. Elle m’informe qu’il y en avait uniquement à Doussard. Une salade de pâte me fait alors de l’oeil. Je me laisse tenter ? Oui, non, oui, non. J’hésite, un peu craintif par rapport à cette longue journée de maux de ventre. Allez… je tente ! Finalement elle m’apportera un peu d’énergie mais surtout un réconfort moral. Je mange lentement, je remplis mes flasks et je termine la descente qui me mène vers la dernière difficulté : l’ascension du Mont Baron et du Mont Veyrier
Au passage du col de Bluffy, je m’arrête trouver ma chérie 2 min. Le mental est boosté, les batteries sont rechargées, la prochaine fois que l’on se verra ce sera sur la ligne d’arrivée !
E) Villard-Dessus – Annecy par le Mont Baron et le Mont Veyrier (15 km / 800 d+ / 1000 d-)
12 h 30 de course : me voilà au pied de la dernière difficulté. Certes je manque d’énergie avec un tel déficit calorique accumulé, certes j’ai mal sous le pied droit et aux jambes mais mon Dieu quel pied de se sentir aussi vivant. La montée est raide mais je double des coureurs. Le passage au sommet du Mont Baron nous donne un avant-goût de l’arrivée avec la vue sur Annecy. La section sur la crête est assez interminable car technique. A chaque sursaut rocheux on se dit que ça va basculer mais non. ça remonte un peu. Le sentier redevient plat puis remonte. Le parcours joue avec nos nerfs. J’en profite pour reboire et prendre une compote puis m’engage dans cette longue descente de 1000 m de dénivelé négatif, dans le sentier probablement le plus fréquenté autour du lac d’Annecy. 8 km et environ 1000 d- me sépare alors de la plage d’Albigny, niveau zéro de la course.
Les quadriceps commencent à fatiguer mais je garde un rythme constant. Le sentier est joueur par moment puis remonte légèrement sur la fin avant de pointer définitivement vers la route départementale, symbole de l’arrivée imminente. Lorsque j’arrive sur le bitume, je sais qu’il me reste 1 km de plat au bord du lac. Beaucoup de personnes nous encouragent et applaudissent, cela fait chaud au coeur. J’essaye de profiter au maximum de ce dernier kilomètre, j’aurai même envie qu’il se prolonge. J’arrive à courir à 12 km/h et me sens pas trop mal. Dans ma tête je me retourne et repense au chemin parcouru, à cette bataille intérieure et à ces moments de doute. J’ai été trop ambitieux sur ma stratégie alimentaire et cela m’a joué des tours. Leçon retenue !
Je repense à ces 88 km et 5000 d+ parcourus, à ces hauts (il n’y en a pas eu beaucoup) et à ces bas (ils ont été nombreux). Je repense au soutien sans faille de ma chérie et aux messages de mes proches tout au long de la course. Je suis ému, fier de l’avoir fait et heureux de l’avoir partagé avec elle.
Plus j’avance et plus les applaudissements s’intensifient. Tous ces encouragements sont incroyables. J’aperçois alors ma chérie à 50 m de la ligne d’arrivée avec en toile de fond la cloche et l’arche symbolisant la fin de cette longue journée en montagne. Dans 30 secondes tout cela ne sera plus qu’un souvenir. Je franchis la ligne après une courte halte auprès d’elle. Je suis ému et je me rends compte que ces 88 km et 5000 d+ dans ce décor grandiose m’ont offert exactement ce que j’étais venu chercher : une incroyable aventure, des émotions fortes et une tranche de vie d’une intensité rare.
Tu es allé(e) au bout de mon (très) long récit de course ? Si tu as apprécié me lire ou que tu souhaites échanger, n’hésite pas à laisser un commentaire ci-dessous, j’y répondrai avec plaisir !
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- Défi Maxi Race à Annecy : 88km de trail ! - MyBuckli - […] Source : Adventures in Provence […]
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C’est toujours un grand plaisir de lire tes compte rendus de course. Encore bravo pour cette Maxi Race Ben !
Merci Eric !!
Bravo pour ta course!!
Ça me confirme que j’ai bien fait de m’inscrire à celle de 2024!! Et qui sait on ce verra peut être
Merci Thibault ! Je te souhaite que la météo soit la même qu’en 2023 !
Eclate toi bien sur les sentiers !
Quel plaisir de te lire ! A chaque recit de course que tu fais, j’ai l’impression d’y participer un peu. Merci pour ce partage et bonne continuation ( et félicitations !!). Bonjour a Ophé 😉
Merci beaucoup Cédric !! Au plaisir de te croiser à Nyons 😉
Reportage magnifique, on se vois en train de t’accompagner tout le long de ce périple.
Merci pour ce partage hebdomadaire !
Merci Gérard,
C’est toujours un plaisir pour moi de mettre sur papier et de partager ces moments vécus.
Belle course et beau récit. On cours chaque km à tes côtés et on souffre avec toi. Perso j ai revécu des moments de courses identiques. Merci pour le partage et bravo à ta compagne pour le soutient !
Merci beaucoup Olivier pour ton message !
Très enrichissant le partage de ton aventure. A double titre pour moi car j’ai connu aussi le plaisir des trails (il y a quelques années) et je viens de connaître la difficulté de s’alimenter (à vélo) sur des sorties de 10 heures. En me forçant (moi aussi) à manger j’ai provoqué des maux de ventre puis des blocages urinaires. La prochaine fois j’attendrai d’avoir faim (un autre risque celui-là…..)
Au plaisir !
Alain
Merci Alain pour ton retour et ton partage d’expérience.
A pied ou sur le vélo, le fait de bien s’alimenter est souvent la clé pour aller loin.
La vérité d’aujourd’hui est parfois pas la vérité de demain… c’est ce qui rend ce type d’effort passionnant aussi !
Benjamin
Beau récit , je viens de prendre des l’ouverture des inscriptions mon dossard pour 2024
Cela m’a donné un très bon aperçu de ce qui m’attends.
Merci
Merci Laurent pour votre message !
Vous allez vous régaler à Annecy en 2024, j’en suis certain !
Bonne préparation,
Ben